Historiquement, les travailleurs français ont toujours pris leur retraite plus tôt que la plupart des autres travailleurs européens. Cependant, face aux préoccupations concernant le vieillissement de la population française, son vaste déficit budgétaire résultant de ses dépenses excessives en matière de pensions d’État et la perspective intimidante d’un avenir financé par le crédit, Macron a élaboré un plan visant à rééquilibrer les indicateurs macroéconomiques de la France.
L’augmentation de l’âge de la retraite de deux ans, de 62 à 64 ans, est la principale proposition de ses réformes du travail. Selon le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ces réformes du travail généreront environ 17 milliards d’euros par an d’ici 2030, ce qui en fait un outil précieux de restructuration économique à long terme. Bien que Macron affirme que la consolidation du régime de retraite par répartition est d’une importance primordiale et le principal objectif de ces changements, des économistes tels que Michael Zemmour soutiennent qu’ils ne sont qu’un prétexte pour inciter les travailleurs à travailler plus longtemps afin d’améliorer la productivité. Ces critiques reflètent celles partagées par le public français.
Le sentiment général est celui d’un profond mépris et d’une méfiance envers Macron et son cabinet. Un tel sentiment suffit à mobiliser les principaux syndicats, et ce qui a suivi a été une vague de grèves générales et de manifestations sans précédent. Selon Le Monde, quelque 1,12 million de personnes ont participé à la première vague de manifestations le 19 janvier, la plus grande depuis 30 ans.
Voici un résumé des réformes de pensions proposées:
• Article 1 : abolition des régimes spéciaux.
Les travailleurs recrutés à partir du 1er septembre 2023 dans les secteurs des transports, de l’énergie ou même notarial sont affiliés au régime général. Historiquement, ces industries ont leur propre forme unique de protection sociale qui englobe environ 7 % de la population française. Dans le nouveau régime, ces régimes seront dilués et affiliés aux régimes de pension généraux. C’est la source de beaucoup d’angoisse au sein des principaux syndicats comme la RATP, la SNCF…
• Article 2 : adoption d'indices pour mesurer l'emploi des seniors.
Les entreprises d’au moins 300 employés doivent publier annuellement des indicateurs précis sur l’emploi des travailleurs âgés et sur les actions destinées à promouvoir leur emploi dans l’entreprise. Le non-respect de cette obligation entraînera des sanctions.
• Les articles 3 à 6 détaillent les dispositions techniques prises sur la base des rapports budgétaires et financiers.
• Article 7 : Augmentation de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans
Première étape de l’augmentation progressive de l’âge légal de départ à la retraite pour les employés nés à partir de septembre 1961 et accélération de la transition progressive vers les 43 années nécessaires pour partir à la retraite avec une pension de l’Etat.
• Article 8 : Carrières longues et dispositif d'incapacité. Création d'une législation générale pour la retraite avant l'âge légal.
Cela s’applique aux travailleurs dont la carrière a commencé avant un certain âge, ainsi qu’aux personnes souffrant d’incapacités permanentes. Cet article rejoint les débats sur les 44 annuités pour les personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de 20 ans.
• Article 9 : Prévention de l'usure professionnelle.
Renforcement de la sensibilisation et de la prévention de l’usure professionnelle avec un fonds dédié et une modification du compte personnel de prévention de la pénibilité (C2P).
• Article 10 : Augmentation du montant de certaines petites pensions.
L’article 10 vise à revaloriser la contribution versée par l’Etat aux personnes retraitées ayant effectué une carrière complète sur la base d’un salaire minimum. Le taux proposé est actuellement de 1.200 euros par mois, soit 85% du salaire minimum.
Quels sont les impacts sur les travailleurs et les entreprises ?
La plupart des réactions et des lacunes envisagées liées aux changements de l’âge de la retraite se concentrent sur les impacts en temps réel des réformes sur les travailleurs de plus de 62 ans, mais il faut comprendre que cela représente un effort de rééquilibrage beaucoup plus large qui a des impacts à tous les niveaux de la société.
L’impact le plus important sur la société est sans doute les répercussions politiques sous forme de défis à la démocratie. Après diverses vagues de grèves générales, la frustration a été suivie de colère et il semble que Macron n’ait pas écouté son peuple. Sa tentative de défaire le système de protection sociale de l’après-guerre de la France et de le moderniser a signifié un recours au décret. En ayant recours à l’article 49.3, Elisabeth Borne (Premier ministre), peut faire passer le projet de loi sans le vote de l’Assemblée nationale, ce qui semble de plus en plus probable maintenant que le gouvernement a survécu de justesse à un vote de défiance. Cela a provoqué des émeutes violentes et des manifestations à travers le pays qui ont vu des poubelles dans les rues de Paris être incendiées, des tas d’ordures s’accumuler, des blocages universitaires et des pannes d’électricité. C’est la plus grande crise politique de la France depuis les Gilets Jaunes, il y a 4 ans, et elle menace d’être tout aussi débilitante. La crainte partagée par la plupart des citoyens français est que cette décision fixe un précédent pour les futures réformes et pourrait changer la structure des avantages sociaux des plus grandes industries françaises.
Ce n’est pas non plus une réforme qui divise, la plupart ne la veulent pas. Il y a même des questions sur sa viabilité économique. L’économiste Xavier Ragot soutient que les effets à court terme des réformes ne sont pas favorables pour la plupart de la société ; une augmentation de l’âge de la retraite entraînera une offre de main-d’œuvre plus importante, mais il n’y aura aucun changement de demande pour refléter cette augmentation, ce déséquilibre entraînera une baisse des salaires nominaux et une augmentation du chômage de 0,8% (référence). À long terme, ce déséquilibre devrait se réguler. Il y a également des débats sur le caractère régressif du changement de politique et sur son impact sur les femmes sur le marché du travail. Un problème en particulier est que 40% des Français, les plus pauvres, acquièrent un statut lorsqu’ils prennent leur retraite, mais le fait de changer l’âge de la retraite prolonge donc la période pendant laquelle ils vivent dans la privation sans filet de sécurité des avantages sociaux.
Conclusion
En conclusion, le 7 mars, les grèves ont paralysé la France et maintenant le pays semble être en crise démocratique. Une grande partie du mécontentement est concentrée dans les structures institutionnalisées de la France, notamment dans les secteurs ferroviaire, des transports et de l’énergie. Les changements apportés aux régimes spécifiques de ces secteurs sont une tâche presque impossible compte tenu de leur importance et du nombre de personnes qu’ils emploient. La signification des réformes proposées ne se limite pas à prolonger les carrières, mais elle représente une menace plus grande pour le pouvoir des industries fortement syndicalisées et la peur de la perte de protection est ce qui stimule l’action sociale.